viernes, 6 de febrero de 2009

La estatua y yo (Henri Michaux)


En mis momentos perdidos le enseño a caminar a una estatua. Dada su inmovilidad exageradamente prolongada, no es fácil. Ni para ella. Ni para mí. Gran distancia nos separa, me doy cuenta. No soy tan tonto como para no darme cuenta.
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Pero no se puede tener todas las mejores cartas en nuestro juego. Así, pues, adelante.
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Lo que importa es que su primer paso sea bueno. Para ella todo está en ese primer paso. Lo sé. Demasiado lo sé. De ahí mi angustia. Me ejercito en consecuencia. Me ejercito como nunca antes lo hice.
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Colocándome cerca de ella, de forma estrictamente paralela, con el pie levantado igual que ella y rígido como una estaca hundida en la tierra.
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No, nunca es exactamente igual. O el pie, o la combadura, o el porte, o el estilo, siempre hay algo que falta, y la salida tan esperada no tiene lugar.
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Es por eso que llegué casi a no poder caminar por mí mismo, invadido por una rigidez, sin embargo llena de impulso, y mi cuerpo fascinado me asusta y ya no me conduce a ninguna parte.
<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<De La vida en los pliegues (1949)

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LA STATUE ET MOI
À mes moments perdus, j’apprends à marcher à un statue. Étant donné son inmobilité exagérément prolongée, ce n’est pas facile. Ni pour elle. Ni pour moi. Grande distance nous sépare, je m’en rends compte. Je ne suis pas assez sot pour ne m’en rendre compte.
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Mais on ne peut avoir toutes les bonnes cartes dans son jeu. Or donc, en avant.
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Ce qui importe, c’est que son premier pas soit bon. Tout pour elle est dans ce premier pas. Je le sais. Je ne le sais que trop. De là, mon angoisse. Je m’exerce en conséquence. Je m’exerce comme jamais je ne fis.
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Me plaçant près d’elle de façon strictement parallèle, le pied comme elle levé et raide comme un piquet enfoncé en terre.
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Hélas, ce n’est jamais exactement pareil. Ou le pied, ou la cambrure, ou le port, ou le style, il y a toujours quelque chose de manqué et le départ tant attendu ne peut avoir lieu.
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C’est pourquoi j’en suis venu Presque à ne plus pouvoir marcher moi-même, envahi d’une rigidité, pourtant toute d’élan, et mon corps fascine me fait peur et ne me conduit plus nulle part.

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